Des vitraux parcourus de lignes parallèles comme uniques motifs, le spectacle surprend toujours le visiteur, le laisse un peu étonné. Mesurées, quantifiées, les stries sont nettes, invariablement parallèles, et pourtant le regard semble percevoir une modulation, de légères vibrations qui perturbent la rigueur formelle. Les textures variables des plaques de verre sur lesquelles se détachent les motifs linéaires introduisent une variation, un jeu entre les plombs. Le spectacle devient mobile, un souffle léger qui perturbe la mathématisation de la fabrication. Alors, on essaye de voir davantage, de chercher à lire ces lignes.

Entre la courbure et la droiture, l'horizontalité et la verticalité, les plombs semblent devenir dynamiques, prennent de la vitesse en se dirigeant vers le haut ou se posent en approchant de l'horizontal, en changeant d'aspect ou en subissant la cassure de la barlotière. Le spectacle linéaire est mobile et changeant, dynamisant, un parcours qui subit les arrêts, les ruptures et les reprises des formes. Des lignes montent, des lignes descendent en se penchant vers la droite. La montée est affirmée ou parfois freinée. Ou, au contraire, c'est le mouvement descendant qui semble remis en question par la courbure de la ligne.

D'abord imperceptible, une opposition se dessine doucement entre des directions de lignes, des différences de luminosité, entre des valeurs. Des correspondances formelles qui assurent l'intégration des motifs linéaires à l'architecture, reprennant sa structure, un sens qui émerge petit à petit entre des directions et mouvements ascendants et descendants.

Un rythme linéaire, ralentissement ou accélération des lignes, les vitraux de Sainte-Foy commencent à nous guider. Et puis en se laissant mener par le regard, de lignes en lignes, de vitrail à vitrail, une continuité se fait jour. Le mouvement dessiné ou esquissé dans un vitrail, après avoir disparu sur le mur, se poursuit dans la baie voisine. Subtiles et cryptiques, ces réapparitions ne s'imposent donc pas à notre regard. Il faut accepter le spectacle, suivre certaines lignes et se laisser guider. Parce que les dessins des vitraux de Sainte-Foy échappent à l'entendement, on tente d'être plus attentif, comme s'il fallait se pencher sur le peu qui est donné à voir pour en saisir mieux les contrastes, les variations et les modulations.

Épaisses et redondantes dans toutes les baies de l'abbatiale, les barlotières retiendnent notre regard. Dans un espace architectural si haut et si vertical, leur forme horizontale fait contrepoint. Droites et imposantes, ces barres de fer qui soutiennent le vitrail semblent également être leur point d'appui, la base des lignes de plomb qu'elles coupent.

Maîtrise et retenue, le vitrail qui orne le haut du chevet freine le mouvement; l'ascension n'est pas une fuite, mais un mouvement contenu. Des vitraux orientaux, leur rythme vertical de l'architecture à la base stable et à la hauteur remarquable, n'en est guère éloigné : les mouvements et leur maîtrise de la vitesse se répondent. Après cette tension vers le haut, le calme revient, en rejoignant l'occident.

À l'extérieur, les formes linéaires ont changé. Le spectacle offert par les vitraux est certes encore parfaitement visible, mais les lignes se sont inversées. L'ascension est devenue descente, les lignes changeantes des vitraux inférieurs semblent étouffées, incapables d'indiquer au regard une direction à suivre. Elles ont perdu leur sens.

Plus rien ne se joue réellement dans l'univers extérieur à l'édifice, il faut simplement avancer droit devant soi, contourner l'abbatiale en suivant du regard les lignes horizontales. L'aventure linéaire et rythmique vécue dans l'abbatiale conquoise n'existe plus à l'extérieur.