La réalisation des vitraux fut une œuvre plurielle, le fruit d'une collaboration entre un peintre et des verriers.

Le cahier des charges avait fixé des objectifs, il fallait joindre la tradition à l'innovation. La technique est en effet traditionnelle; elle vient du Moyen Âge et de l'époque carolingienne. Mais la nouveauté du matériau verrier obligea à tout surdimensionner, amena de nouveaux gestes, plus larges, puissants et précis. Les plombs, ces tiges à double rainure qui emprisonnent le verre, prirent de l'importance, ils s'enflèrent jusqu'à atteindre la taille inusitée de 2 cm. Composites, les plaques verrières furent choisies, déposées sur une toile noire destinée à en faire ressortir la composition granuleuse. Car il fallait distinguer la texture pour découper le bon morceau.

Pour découper le verre, il avait fallu auparavant composer les cartons qui serviraient de patrons. Posés contre le mur, des panneaux de bois étaient d'abord décomposés en parties égales délimitées par des traits que viendraient ensuite couvrir des rubans horizontaux, prédécesseurs des barlotières.

À l'intérieur de ceux-ci, les verriers, guidés à distance par Pierre Soulages, tendaient des rubans adhésifs en guise de plombs.Posés sur la surface de bois, ces rubans étaient collés, où ils prenaient enfin leur forme et leur orientation définitives.

Droits ou légèrement arrondis, ils devaient alors se diriger avec précisions sans trace des hésitations passées. Entre tradition et innovation, la technique de fabrication des vitraux s'adapta ainsi au nouveau matériau verrier et surtout à la nature des motifs décoratifs. Car les figures des vitraux de Pierre Soulages sont uniquement celles dessinées par la structure métallique. Les lignes formées par les plombs deviennent les objets, ou mieux les sujets variables du spectacle qui est donné au visiteur de Sainte-Foy de Conques. Leurs grandes dimensions les imposent au regard et leur variabilité met en valeur leurs qualités directionnelles et rythmiques.Les barlotières, ces oubliées du regard, cachées derrière le vitrail, n'ont jamais acquis l'importance qu'elles ont ici.

Très épaisses, elles apparaissent avec une force particulière et semblent à juste titre participer à la composition de l'ensemble du vitrail. Austérité et tendresse, dépouillement et somptuosité, proportions et respiration, n'est pas le résultat d'une pensée préétablie, mais d'une création. Dans les grandes peintures noires de ces dix dernières années, Soulages continue sa création d'un art sans concession.

Écriture forte et libre, avec l'intensité et l'irrégularité de la vie même, obstination solide et grave, surface, et déroulement. Ne s'inscrivant pas dans une durée, elle échappe au caractère fini du temps et ne cesse de sourdre. Ne cessant pas parce qu'elle vie sans avoir commencé et qu'elle persiste sans continuer, elle peut être rejointe par la vie des bandes et des stries qui, se déroulant sans avoir ni début ni fin, expriment une continuité qui ne dépend pas du temps. Transmutation de la lumière par la matière sur laquelle elle passe. Refus du limité et de l'éphémère, et recherche absolue d'un au-delà de ce qui est dit et vu.

Souffle vivant. La création de Soulages est. Simplement. Mais entièrement. A Conques, Soulages ne s'est pas effacé pour produire un « vitrail roman du xxe siècle ». Il s'est affirmé. Mais parce que toute son œuvre est au service d'une lumière silencieuse et vivante, elle a pu servir Conques tout en restant elle-même.