GIALLO

GIALLO

3.0

LE GIALLO
NORBERT MOUTIER ET OLIVIER BILLIOTTET
FANZINE MONSTER BIS
S.D

L'appellation « Giallo » tient tout simplement à la teinte jaune de certains ouvrages policiers diffusés en Italie (l'équivalent à notre Série Noire nationale, à titre d'exemple).    

Il faut savoir qu'en Italie, les kiosques regorgent (autrement plus qu'en France !) de parutions de toutes sortes, que la bande dessinée en fascicules (les fameux fumettis) est encore fort vivace et sans cesse rééditée. De quoi influencer tout un compartiment de la production cinématographique.     

Giallo = Polar = Thriller, en quelque sorte. Mais, dans la péninsule, le genre brasse large. Il comporte tout ce que le polar peut contenir classifications : les démêlés anti-maffia, les luttes entre gangs, les prises d'otages violentes, les hold-ups, la drogue... Tous ces films policiers d'action, incisifs et nerveux où se sont illustrés les Umberto Lenzi, Sergio Martino et autres Stelvio Masi, avec des têtes d'affiche jeunes et dynamiques comme Thomas Millian ou Maurizio Merli, contrastant singulièrement avec nos polars nationaux aussi intellos que cachexiques.     

Néanmoins, vous ne trouverez pas, en France, un cinéphile sérieux qui considère ces films policiers comme de véritables Giallos. Dans notre pays, l'appellation s'est très vite circonscrite à un compartiment bien particulier de ce genre de films policiers : le Giallo horrifique, voire surnaturel, peuplé d'assassins schizophrènes masqués, adeptes de l'arme blanche, grands pourfendeurs d'éléments féminins, principalement dans leur salle de bain.     

En fait, ce courant repose à l'origine sur le réalisateur Mario Bava, père spirituel du Giallo. Il serait faux, cependant, de croire que Mario Bava ait inventé ce genre, encore moins qu'il l'ait créé de toutes pièces. Bava, au risque de heurter ses admirateurs, n'a pas inventé le Giallo, il a transformé un certain genre de films policiers selon sa propre vision, lui a imprimé un style bien particulier, l'a orienté vers le macabre, le malsain rituel et onirique. Bava a aussi fait flirter deux genres bien précis : le thriller et le fantastique.     

Mais le Giallo existait bien avant lui, même si il ne s'appelait pas ainsi. Le crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock, par exemple, était un Giallo. On y trouvait absolument tous les ingrédients du genre : la noirceur des personnages, leur cupidité, le complot marital et une belle scène d'étranglement nocturne avec la complicité du téléphone, scène qui aurait fort bien pu se dérouler dans la salle de bain de l'appartement si le cinéma américain n'était alors pas si prude.     

Quant aux ciseaux salvateurs qui tirent d'affaire Grace Kelly, ils constituent l'indispensable arme blanche. Tous les ingrédients y sont et l'on rêve de ce que Bava aurait pu faire, visuellement, d'une telle histoire !     

Mais de la part des Américains confrontés aux problèmes de la guerre froide, il ne fallait pas attendre alors d'eux une orientation vers le macabre et le malsain. Ce macabre et ce malsain qui ne déplaisaient au fond pas tant à Hitchcock puisqu'il les utilisa dans son splendide Frenzy, qui bien que Britannique, n’en est pas moins une espèce de Giallo.     

Des foules d’autres Giallo en puissance viennent à l’esprit. Allo brigade spéciale de Black Edwards, où un tueur invisible est asthmatique terrorisait Lee Remick, l’infernal et meurtrier complot visant Doris Day dans Midnight Lace (Piège à Minuit) etc… Toutes ces histoires auraient pu naître de l’imagination des Ernesto Gastaldi ou autres Luciano Martino. Qu’on ne s’y trompe pas : le répertoire cinématographique était déjà peuplé de Giallos bien avant que Mario Bava n’embrasse la profession.     

Mais lui seul a su lui donner un label transalpin incontournable, une force et un style capables de créer un courant qui aura tout de même fourni plus de cent œuvres relevant vraiment du genre et ce, un quart de siècle durant.      

Il s’est établi une dynastie Brava. Son fils Lamberto tout d’abord, envers lequel la critiques a souvent été injuste, Dario Argento, le disciple parfait qui a lui même enfanté son propre héritier : Michaele Soavi. D’héritage en passation de pouvoir, le flambeau du genre brûle toujours. Il aura brillé à travers les plus grands (Lucio Fulci), les opportunistes surdoués (Sergio Martino), les tâcherons (Roberto Mauri) et les émules-surprise : Carlo Vanzina, et continue imperturbablement son œuvre : pas de Saison cinématographique italienne qui n’annonce pas quelque Giallo nouveau.     

Il faut dire que le Giallo, appartient à un genre béni : le polar, la seule discipline cinématographique (avec la comédie) à n’avoir jamais connu d’éclipse à travers les différentes décades qui se sont déroulées depuis l’invention du 7ème art.     

L’engouement pour les intrigues policières ne s’est jamais démenti. Peut-être parce qu’elles touchent un quotidien possible, qu’elles illustrent les fantasmes nés des faits divers commentés de manière parfois exagérée par les médias.     
Pourtant, le Giallo bouscule cet esprit de quotidien réaliste. Le fantastique, l’onirisme et la folie le percutent de plein fouet. Ce cachet bien particulier, ce fait que le Giallo est tout à la fois une branche commune au fantastique et au polar, on le doit certes à Mario Bava.