Dora Maar
artiste (au féminin)
Photographe et peintre majeure du XXème siècle, Dora Maar est encore souvent cantonnée au statut de "muse" de Picasso. Le Centre Georges Pompidou à Paris lui rend enfin justice à travers une rétrospective de son oeuvre. Les années 1930 sont sa décade prodigieuse, celle où elle naîtra comme artiste et obtiendra la reconnaissance de ses pairs, celle où elle fait preuve de créativité, d’audace et qui lui assure aujourd’hui une place solide dans l’histoire de l’Art.
Quatre ans après, c’est la séparation et, seule, elle mènera sa barque. Ses premières images sont réalisées pour la publicité et témoignent d’une maitrise parfaite du média. Elle pratique le montage, la retouche… Elle obtient des commandes, est publiée dans de nombreux magazines. Pour elle, c'est comme un exercice, ces commandes lui servent à acquérir de plus en plus de technique, qu'elle mettra plus tard au service de son art.
Les portraits qu’elle réalise dans son cercle d’amis sont magnifiques. Le modèle y fixe ou non l’appareil, mais reste impénétrable, le regard un peu dans le vague, les traits magnifiés. Pour l’écrire simplement, elle rend les gens beaux. Les gens, ici, c’est le Paris de l’avant-garde artistique et politique, les frères Pierre et Jacques Prévert, Nusch et Paul Eluard… Car Dora Maar, déjà, ne se contente pas de photos de mode. Elle a une fibre sociale et un engagement à gauche, elle veut témoigner. En 1933, elle est à Barcelone et photographie le petit peuple de cette place forte "républicaine". Elle parcourt Londres et la "zone", cet anneau de bidonvilles qui ceint alors Paris. Mais ses photographies restent lumineuses, comme s’il s’agissait non de choquer ou d’apitoyer, mais de faire surgir la beauté. Avec Dora Maar, la chiffonnière se redresse, les vendeuses du marché se recoiffent et les cabanes de la zone ont presque un lustre champêtre.
Naturellement, si l’on peut dire, la photographe se retrouve intégrée au groupe surréaliste où son art du photomontage fait merveille. Elle signe ainsi quelques icones du mouvement comme son célèbre Portrait d’Ubu (1936) qui reste pourtant au plus proche du réel.
En 1936, la photographe rencontre Pablo Picasso et commence alors une liaison passionnée. Une rencontre au sommet pourrait-on dire aussi, car si Dora Maar est le modèle de nombreux portraits du maître, il l’incite à peindre et elle lui apporte ses techniques photographiques. La Française soutient aussi, et documente, le long processus de création de Guernica, commande de la République espagnole en danger au peintre en exil.
En 1946, c’est la rupture définitive avec le peintre et Dora Maar connaît une grave crise psychique. Une deuxième vie commence.
La figure de l’avant-garde va désormais mener une vie hors du monde de l’Art, n’exposant que très peu, mais créant toujours, jusqu’à sa mort, en 1997 ! Dans ses ateliers de Paris et de Ménerbes, village du Lubéron, l’égérie du surréalisme s’adonne à la nature morte, à la peinture
abstraite… Une oeuvre peu ou pas connue que présente enfin l’exposition du Centre Pompidou. Dora Maar explore, ne cesse d’explorer.