Gertrude Ederle

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Gertrude Ederle

Naissance

23 octobre 1906
New York

Décès

30 novembre 2003
Wyckoff

À tout juste 20ans, elle n’aimait pas qu’on lui impose des limites. Et l’a prouvé. Après une tentative avortée, Gertrude Ederle devient, en 1926, la première femme à réussir la traversée de la Manche à la nage.

Gertrude Ederle nait en 1905 à Manhattan, elle est la troisième d’une famille de six enfants d’émigrés allemands. Trudy, c’est ainsi qu’on la surnomme, apprend à nager très tôt et montre précocement des aptitudes exceptionnelles dans ce sport.

Elle intègre l’Association Américaine de Natation Féminine. Et à partir de l’âge de 14 ans, elle participe à de nombreuses compétitions, enchaînant victoires et records en 100, 200 et 400 mètres. Une précision, à la suite d’une rougeole contractée alors qu’elle était enfant, Gertrude est malentendante.

Pour autant, Trudy, son surnom, se met en tête de réussir ce qui, jusqu’alors, s’est toujours refusé aux femmes : la traversée de la Manche.

Une femme, Annette Kellerman, qui conçu et imposa le maillot une pièce aux Etats Unis, puis dans le monde entier, avait  tenté la traversée de la Manche à la nage. Tentative qui hélas échoua après 11 heures passées dans une eau à 11 degrés. Pour Trudy, son premier essai, le 3 août 1925, s’est malheureusement soldé par un échec. Après 8h45 d’efforts intenses, la native de Manhattan abdique, poussée à l’abandon, avancera-t-elle a posteriori, par son entraîneur Jabez Wolffe. Leur association n’y survivra pas. Le concours financier de l’association américaine de natation féminine non plus.

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Gertrude Ederle durant sa traversé de la Manche en 1925. (Radiofrance)

Pas suffisant néanmoins pour pousser Gertrude Ederle à renoncer. De retour aux États-Unis, l’intrépide nageuse se résigne à faire une croix sur son statut d’amateur hypothéquant, définitivement, une possible deuxième participation aux Jeux Olympiques, pour se mettre en quête de partenaires commerciaux aptes à l’aider à réaliser son rêve. Le Chicago Tribune et le New York Daily News vont répondre présents et l’accompagner tout au long de l’aventure.

Le 6 août 1926, un an et trois jours après sa tentative avortée, Trudy se sent fin prête. Trois bateaux la suivent. La mer est tellement agitée que les voyages en ferry sont annulés. Les paris la donnent perdante à 6 contre 1.   Les deux premiers transportent son père, sa sœur, son nouvel entraîneur Bill Burgess – deuxième homme à avoir bouclé ce trajet France-Angleterre – mais aussi quelques nageurs parmi lesquels le champion égyptien Ishak Helmy et Mme Sion, la rivale française, dont la mission est de se jeter, épisodiquement, à l’eau afin de lui tenir compagnie. La troisième embarcation est réservée aux reporters. Ces derniers, nombreux, ont a disposition un appareil de TSF qui leur permet de relayer, en quasi direct, l’avancée de sa progression.

Trudy s’élance enfin dans les flots. Elle veut croire en l’exploit. Pour cela, elle porte un maillot de bain deux pièces. C’est la première fois de l’histoire qu’une nageuse porte un maillot deux pièces en public. Elle porte aussi des lunettes de bain de motard, spécialement créées pour l’occasion.

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Tout au long de la traversée, Gertrude Ederle est accompagnée par un bateau duquel ses proches l'encouragent. (Radiofrance)

« Je ne sortirais pas de l’eau avant qu’on vienne me chercher, alors si le cœur vous en dit ! » Gertrude Ederle.

Elle mettra finalement le pied à terre à 21h40, 14 heures et 31 minutes après avoir quitté les côtes françaises. Première femme à réussir cet exploit et au passage elle bat le record masculin jusqu’alors, par l’Italo-Argentin Sebastian Tiraboschi, record conservé pendant 81 ans.

« Les gens pensaient que ce n’était pas possible qu’une femme traverse la Manche, je leur ai prouvé le contraire. » Gertrude Ederle

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Face au refus du CIO d’ouvrir la participation des femmes aux JO, Alice Milliat décide d’organiser des Jeux olympiques féminins. La première édition se déroule en 1922 au stade Pershing à Paris et rassemblee 77 athlètes venues de cinq nations. (Ouest-France)

L’Amérique s’embrase d’un coup d’un seul pour sa championne. Et lui réserve un accueil triomphal. Deux millions de personnes vont envahir les rues de New York pour suivre la parade organisée en son honneur. À sa suite, les jeunes filles investissent les piscines en nombre. Mais la belle histoire d’amour ne dure qu’un temps…

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Gertrude Ederle de retour à New-York après avoir traverser la Manche. (Ablock )

Entre une apparition éclair dans Swim Girl, un film de 1927, et une participation à Aquacade, un show aquatique, en 1939, Trudy, qui souffre de problèmes auditifs et s’est grièvement blessée à la colonne vertébrale, vit chichement en donnant des cours de natation à des enfants sourds. Elle s’éteindra, sans faire de bruit, le 30 novembre 2003 dans une maison de retraite de Wyckoff dans le New Jersey. Elle avait 98 ans.

L’aventure de Gertrude Ederle, qui en fit pour quelque temps, la femme la plus connue du monde, a réuni tous les ingrédients qui font d’un exploit individuel un mythe collectif : une préparation digne d’une opération militaire, la presse et le cinéma convoqués, les éléments déchaînés, l’incrédulité et la polémique qui s’ensuivirent. Mais si la traversée a suscité un tel engouement, c’est probablement aussi qu’elle a trouvé un écho puissant dans les attentes de la société de la première moitié du siècle. Les barrières physiques qui reculent, la possibilité pour une femme de s’imposer dans une épreuve jusque-là très masculine, la plastique d’un corps nouveau modelé pour la vitesse… tout concourt à ce moment pour exalter l’exploit.

Aujourd’hui, alors que beaucoup de sportifs sont tombés dans l’oubli collectif après avoir connu une gloire éphémère, Gertrude Ederle demeure aux États-Unis une championne reconnue, la première à être entrée dans le Marathon Swimming hall of fame. Un livre pour enfants célèbre sa ténacité et son succès.

La traversée de la Manche à la nage garde un parfum d’épopée : sans machine, par la force, l’endurance, la souplesse, l’intelligence et la volonté du corps et de l’esprit, une femme a vaincu l’Everest de la natation le 6 août 1926.