Parcours d'exposition

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Alfred Dreyfus

Journal, Île du Diable (Guyane), 1895-1896 « Je commence aujourd’hui le journal de ma triste et épouvantable vie ... » Dpt. des Manuscrits, BnF

Le parcours est construit selon quatre espaces correspondant aux quatre thèmes
traités dans l’exposition : prison, passion, péril, possession. Ces termes se sont
imposés pour désigner de façon générique l’ensemble des situations extrêmes
auxquelles un être peut se trouver confronté.

À l’image de l’exposition qui réunit sous la même dénomination de « manuscrits de
l’extrême » des textes, billets et notes écrits dans des conditions très différentes,
aucune contrainte de cheminement n’est imposée au visiteur : à partir de
l’espace central, il pourra choisir de commencer par l’une ou l’autre des sections.

Sous le thème Prison, l’exposition présente des manuscrits écrits dans des conditions de détention liées à des activités politiques ou des faits de droit commun, ainsi que des archives de la Seconde Guerre mondiale, associées à l’emprisonnement dans les camps de concentration.

Enfermé, donc privé des modes ordinaires de communication avec ses pairs, l’être humain use de tous les moyens à sa disposition pour ne pas perdre totalement le contact avec le monde extérieur. Pour continuer la rédaction de ses oeuvres en prison malgré les contraintes liées à ses conditions de détention, Auguste Blanqui (1805-1881) développe une écriture microscopique qui lui permet d’utiliser peu de papier et d’alléger d’autant le poids de ses colis.

La veille de son exécution, André Chénier (1762-1794) glisse ses derniers vers dans du linge pour qu’ils soient transmis à son père, comme à l’habitude, par un gardien rémunéré : « deux étroites bandes de papier, semblables aux marques que l’on met dans un livre », « pas plus épaisses, chacune, que le tuyau d’une plume à écrire ».
Pour contourner les geôliers, il faut aussi ruser avec les techniques d’écriture : dissimuler son texte en écrivant au jus de citron ou en le recouvrant d’encre comme le fit Sade entre 1784 et 1789 dans sa correspondance alors qu’il était enfermé à Vincennes ou à la Bastille ; ou écrire en sténo comme les déportés d’Esterwegen qui copiaient ainsi les messages radio écoutés clandestinement la nuit, avant de faire passer les nouvelles à leurs camarades.

Quand l’encre ou le papier font défaut, le prisonnier invente d’autres moyens de passer outre le silence auquel on voudrait le réduire. Latude (1725-1805), en prison à la Bastille, écrit une lettre avec son sang, pour se plaindre de ses conditions de détention : « […] je vous écris avec de mon sang sur du linge, parce que messieurs les officiers me refusent d’encre et du papier […].

Pour la période de la Seconde Guerre mondiale, les exemples abondent de textes écrits avec des moyens de misère : Henri Fertet († 1943) et Alice Magnin (1899-1983) ont aussi fait usage de leur propre sang.
Marie (1921-1943) et Simone Alizon (1925-2013) ont utilisé des papiers de récupération pour jeter du train qui les menait en déportation les derniers billets adressés à leur père, quelques nouvelles miraculeusement arrivées à leur destinataire.
Germaine Tillion (1907-2008) a rédigé sur un morceau de tissu sa lettre adressée au tribunal pour assurer sa propre défense.
Jeannette L’Herminier (1907-2007) n’a plus lâché le petit bout de crayon trouvé par hasard, avec lequel elle décida de continuer à dessiner ses camarades de Ravensbrück. Un résistant, interrogé au siège de la gestapo, est parvenu à inscrire sa dernière adresse à sa compagne et à ses compagnons de détention, sous l’assise du siège où l’on imagine qu’il a vécu le pire.

Bernard Maître (1923-1944), lui, n’avait qu’une pointe d’épingle à sa disposition : elle lui a servi à graver son message demandant du matériel pour s’évader : ne rien lâcher, jusqu’à ce que mort s’ensuive...
Jeanne Cassier (déportée à Ravenscrück), après avoir recomposé un carnet à partir de bribes de papier, y a écrit son journal de déportation, si petit qu’il ne lui laissait pas de place pour le bavardage : comptage des morts, état des lieux des malades, liste des événements, description des maigres rations...
Quant à Jean Cassou (1897-1986), privé de papier comme de crayon, il n’avait plus que sa mémoire pour retenir les sonnets qu’il composa lors de sa détention à la prison militaire de Furgole.