Parmi les collections de la Bibliothèque nationale de France, conservées aux côtés des plus célèbres volumes médiévaux ou des brouillons de grands écrivains, se trouvent également des pièces moins spectaculaires, mais tout aussi importantes pour le patrimoine : des textes écrits dans l’urgence, parfois miraculeusement rescapés, qui témoignent de moments extrêmes de la vie.
Exposer des manuscrits, c’est toujours retourner aux sources. Ici, feuillets volants, carnets abîmés par le temps, papiers déchirés, usés ou salis, nous renvoient plus violemment aux soubassements de l’existence humaine. C’est une sélection de ces documents rares que l’exposition Manuscrits de l’extrême : prison, passion, péril, possession donne à voir au public.
Ces manuscrits rédigés dans des conditions extrêmes sont l’écho immédiat et non le témoignage a posteriori. Ils sont les traces fragiles de moments où la vie d’un être est menacée par les événements extérieurs qu’il subit ou les sentiments intérieurs qui l’agitent. Bien qu’ils concernent des événements de nature très différente, ils se trouvent réunis ici sous une même dénomination. Ils coïncident en effet tous avec la même nécessité, au-delà des divergences de situations vécues : poussé dans ses retranchements, livré sans remède à l’infini solitude de son existence, l’être humain éprouve souvent le besoin de laisser une trace écrite.
L’usage des mots dans une situation extrême – détention, mission périlleuse, guerre, amour passionnel, maladie, deuil, aliénation mentale... – prend souvent la forme d’un acte nécessaire, mais se heurte aussi à l’impasse du langage, la difficulté à exprimer et à transmettre le plus fidèlement possible les émotions ou les tourments les plus vifs.
L’urgence ou l’angoisse dont témoignent souvent la graphie, l’utilisation d’encres ou de papiers de fortune, montrent à quel point, dans des situations extrêmes, le manuscrit, support de la trace écrite, fait corps avec les circonstances dramatiques ou difficiles traversées par leur auteur. La sélection des manuscrits présentés dans l’exposition ne prétend pas à l’exhaustivité. D’autres pièces auraient pu y figurer. Le propos est d’abord de montrer la permanence de la pratique de l’écriture comme soutien de notre humanité dans tous les moments où elle se trouve menacée.