1945 L'AUBE DU WEB ?

Cette page vous présentera les origines de la pensée du Web qui repose pour beaucoup sur les épaules du scientifique Vannevar Bush.

inspirateurs du Web

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Vannevar Bush (1890/1974) est un ingénieur américain. Conseiller scientifique du président Roosevelt et chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), il est principalement connu en tant que maître d’œuvre de la recherche scientifique des États-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale et comme l'un des inspirateurs du Web. En 1941, Bush prend la tête du OSRD (Office of Scientific Research and Development) et devient le maître d’œuvre de la recherche scientifique des États-Unis en guerre, avec d’importants effectifs, environ 6 000 scientifiques. Il sera l'une des têtes pensantes du projet Manhattan qui conférera l’arme atomique aux États-Unis. Il n'était pas sans savoir les conséquences de la radioactivité qui ont été sciemment dissimulées par une propagande visant à développer par la suite l'industrie nucléaire et la suprématie militaire des États-Unis. Il est l'un des pionniers du Web, à travers notamment son article As We May Think, paru en 1945 dans le magazine Atlantic Monthly, dans lequel il prédit l'invention de l'hypertexte, selon les principes énoncés par Paul Otlet dans son Traité de documentation. Dans cet article, il décrit un système, appelé Memex, sorte d'extension de la mémoire de l'homme. Ce texte jette les bases de l'ordinateur et des réseaux informatiques. Il envisage de pouvoir y stocker des livres, des notes personnelles, des idées et de pouvoir les associer entre elles pour les retrouver facilement. Il y évoque déjà les notions de liens et de parcours, prenant pour modèle le fonctionnement par association du cerveau humain.

L'analyseur différentiel de Bush dans le film de S.F . Earth vs. the Flying Saucers (Columbia Pictures 1956)

Le Memex

Le memex est un ordinateur analogique fictif décrit par le scientifique Vannevar Bush dans l'article As We May Think publié en 1945 dans la revue The Atlantic Monthly. Le nom est la contraction de "memory extender" (« gonfleur de mémoire »). Dans son article, Bush décrit un appareil électronique relié à une bibliothèque capable d'afficher des livres et de projeter des films. Cet outil est aussi capable de créer automatiquement des références entre les différents médias. Cette vision a directement influencé des pionniers de l'informatique moderne tels que Douglas Engelbart et a posé les fondations de l'hypertexte créé par Ted Nelson, à l'origine du World Wide Web. Le memex ne se contente pas uniquement de permettre à un utilisateur de naviguer parmi les informations, mais il offre aussi un moyen d'établir des liens entre les informations. La machine est un assemblage d'éléments électromécaniques, de caméras et de microfilms, intégré dans un grand bureau. La plupart des microfilms nécessaires auraient été intégrés dans le bureau, mais un système de chargement aurait permis à l'utilisateur d'ajouter et de retirer des microfilms.

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La technologie du memex est souvent confondue avec la navigation hypertextuelle. Bien que l'idée de Bush ait participé à la création de l'hypertexte, ce n'est pas encore l'hypertexte tel qu'on le connaît maintenant. Le système proposé se contente de créer des liens entre des paires d'images de microfilms, mais ne peut pas relier des documents à l'aide de simples mots ou images dans un document. De plus, l'idée de Bush de créer des chemins d'association n'a pas été intégrée dans les systèmes hypertextes. Le chemin d'association proposé par Bush ne permet qu'un cheminement linéaire dans les informations, en créant des chaînes de séquences reliées entre elles. Ce genre de système est équivalent à une page web où le seul lien est l'« entrée suivante ». Le memex permettrait aussi à l'utilisateur de créer des informations, comme ajouter des photos ou du texte sur un microfilm à partir d'un écran tactile semi-transparent. Le memex est souvent considéré comme le précurseur de l'ordinateur personnel à base de microfilms. Ce sont certainement les idées développées dans cet article qui ont inspiré le projet MyLifeBits (en) de Gordon Bell de Microsoft Research : un entrepôt digital de photographies, documents, communications, et même de statistiques utilisant des bases de données pour permettre la recherche, l'annotation et l'indexation des documents. L'agence DARPA a annulé un programme similaire, le DARPA LifeLog (en).
memex

As we may think *

En français, « Comme nous pourrions penser » est un article écrit par Vannevar Bush, et publié pour la première fois dans Atlantic Monthly en juillet 1945, soit un mois avant les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki. Il développe l'idée que la recherche scientifique doit, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, se consacrer à améliorer les moyens matériels permettant l'accès à toute la connaissance humaine. Vannevar Bush constate les limites de la mémoire individuelle et illustre de ce fait la nécessité d'accéder efficacement aux savoirs du passé de façon à les dépasser.

The Atom Strikes est un documentaire commandé par l'armée américaine.

BIBLIOGRAPHIE

Vannevar BUSH, Les armes d'aujourd'hui et de demain. L'auteur de ce livre important, qui vient de paraître dans une bonne traduction, a joué un rôle considérable dans la dernière guerre. Quelques Américains l'avaient baptisé "Le général des physiciens". Fils d'un pasteur profondément imprégné de religion, il eut une jeunesse assez mouvementée ; il fit de bonne études scientifiques et entra en 1913 au laboratoire d'essais de General Electric, puis suivit des cours de construction mécanique à l'Université de Harvard et à l'Institut de Technologie. Il dirigea, après la guerre 1914-1918, les études sur les tramsports d'énergie électrique au M. I. T. (Massachusetts Institute of Technology) ; il y devint professeur, président et doyen, mais poursuivit des recherches d'inventeur. Il imagina notamment le fameux cerveau électronique qui devait résoudre de nombreux problèmes de balistique et d'astronomie. En 1939, il fut nommé président de l'Institut Carnegie pour encourager la recherche et la découverte, et, en 1940, le président Roosevelt, créant un comité de savants pour préparer la défense nationale, en offrit la présidence à Vannevar Bush. Celui-ci mobilisa tous les savants du pays, en eut bientôt 6 000 sous ses ordres et, grâce à eux, présida à la création de 200 armées nouvelles destinées à la guerre terrestre, maritime et aérienne. Il fut un de ceux qui contribuèrent la plus efficacement à l'explosion de la première bombe atomique et, somme toute, à la victoire interalliée. Dans sa brillante préface, André Maurois, de l'Académie française, note la tendance essentielle de Vannevar Bush le maintien de la paix, le salut de la démocratie telle qu'elle est conçue aux États-Unis et en Occident.

Il est profondément optimiste et à la question essentielle qui hante les esprits de tant de libres citoyens de France, de Grande-Bretagne, de Hollande et de Belgique : un régime démocratique peut-il se défendre efficacement contre un régime totalitaire, il répond par l'affirmative. Pour lui, l'avenir est moins effrayant que ne le dit la propagande terroriste; un régime démocratique, à condition qu'il soit bien organisé, est plus favorable qu'un régime totalitaire aux progrès de la science. Le destruction de notre monde civilisé est loin d'être fatale; il possible que d'autres guerres surgissent, nuis un conflit nouveau ne mettrait nécessairement pas fin aux progrès de la civilisation, même aux jours de l'atome fissible, même si l'on sait que les maladies seront mobilisées pour conquérir la victoire.

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On pourra également resserrer les systèmes défensifs de telle sorte que, sans être absolument impénétrables, ils puissent cependant arrêter le grand flot mortel des attaques aériennes. Si terrible qu'elle soit, la guerre ne détruirait pas sans rémission et la démocratie survivrait. Notre force, selon Vannevar Bush, ne réside pas seulement dans nos avions et dans nos navires de bataille, mais encore dans la force tout entière de notre démocratie politique, économique et morale. Sans pouvoir ni suivre l'auteur dans l'analyse et l'étude de toutes armes du passé et du futur, notons avec quelle franchise et quelle audace intellectuelle il envisage la préparation d'un conflit éventuel. Un des problèmes où il est passé maître et qui le préoccupe le plus justement est celui du planning. Il ne le conçoit que par la collaboration intégrale de tous les hommes de science avec les spécialistes militaires.

Il préconise un système grâce auquel un groupe central de planning militaire prendra la direction et la responsabilité ultime, mais avec la collaboration indispensable des esprits les plus distingués dans tous les domaines : physique, chimie, biologie, mathématique, techniques, médecine, psychologie, statistique, droit, théorie et pratique de l'organisation. Des progrès scientifiques ont été accomplis dans cette direction depuis la guerre, particulièrement dans le domaine scientifique, mais on n'a pas encore trouvé une base solide et on n'est pas encore allé assez loin. On voit combien la lecture et la méditation d'une pareille œuvre, dûe à l'un des artisans scientifiques les plus efficaces de la victoire américaine et alliée, pourraient être profitables dans un pays comme la France où, bien qu'à une échelle plus modeste, mais peut-être devant une nécessité plus urgente encore, se posent les mêmes problèmes d'organisation et de préparation de la défense nationale.

Vannevar Bush. Les armes d'aujourd'hui et de demain compte-rendu par Delage Edmond dans : Politique étrangère Année 1951

Science, the endless frontier Livre de Vannevare Bush publier en 1960. Disponible en intégralité sur archive.org

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