Ray Tomlinson

C'était un précurseur, Ray Tomlinson a révolutionné le monde de la communication. Décédé à l'âge de 74 ans le 5 mars 2016, l’ingénieur américain met au point au début des années 70 deux programmes. Le premier est SNDMSG, il permet d'envoyer un message sur le réseau Arpanet, nouvellement créé. Le deuxième, Readmail permet la récupération et la lecture de ces messages. Ce fût la naissance du courrier électronique
Quarante-cinq ans après cette innovation, les courriels et l'arobase sont devenus des outils familiers, utilisés quotidiennement. Ils ont changé la manière de communiquer. En 2009, il reçoit le prix Prince des Asturies en sciences et technologies. En 2012, il entre au temple de la renommée d'Internet, dans la catégorie des innovateurs.
Biographie
1941 Naissance de Ray Tomlinson à Amsterdam, New York
1963 Il fréquente le Rensselaer Polytechnic Institute, où il participe à un programme de stage avec IBM et obtient son baccalauréat en sciences en génie électrique.
1965 Etudie au Massachusetts Institute of Technology (MIT), gagne un S.M. en génie électique.
1967 il rejoint la société de recherche et développement légendaire Bolt Beranek et Newman (maintenant Raytheon BBN Technologies). Chez BBN, il contribueau développement du système d’exploitation TENEX, notamment des implémentations des protocoles ARPANET et TELNET.
Automne 1971 Ray Tomlinson, ingénieur de la société BBN, qui est alors sous contrat avec le gouvernement américain pour le projet Arpanet (l’ancêtre de l’Internet), a mis au point 2 programmes. Le premier, SNDMSG (pour Send Message) associé à un autre logiciel baptisé READMAIL, permet à plusieurs personnes qui partagent le même ordinateur de s’y laisser des messages. Le second, CPYNET, permet de copier simultanément un fichier sur tous les ordinateurs d’ Arpanet (qui relie à l’époque 15 machines !). Une idée traverse l’esprit de Ray : pourquoi ne pas associer les 2 programmes pour échanger des messages d’un ordinateur à un autre ? Ni une ni deux, l’ingénieur aménage le programme SNDMSG/READMAIL et écrit 200 lignes de code. Il se crée 2 boîtes aux lettres électroniques sur 2 ordinateurs situés côte-à-côte et réussit à envoyer un message d’un ordinateur à un autre. Le courrier électronique est né ! On ne l’appelle pas encore e-mail mais Netmail (pour Network Mail).
"QWERTUYOP", premier mail envoyé
Pour la petite histoire, le premier message envoyé sera "QWERTUYOP", soit la première ligne de son clavier. Sur son blog, Ray Tomlinson avait raconté en détails l'histoire de sa création, tentant d'empêcher la légende de prendre la place des faits. "Le premier email a été envoyé entre deux machines qui se trouvaient l'une à côté de l'autre", connectée via Arpanet, expliquait-il. "Le premier message était tout à fait oubliable et je l'ai de fait oublié", poursuivait-il. "Très probablement c'était quelque chose comme QWERTYUIOP ou quelque chose comme ça...". "Ne croyez pas tout ce que vous lisez sur le web. Rappelez-vous, il y a des humains derrière ces pages, et les humains font des fautes", prévenait-il.
2000 il reçoit le prix George R. Stibitz Award Computer Pioneer, décerné par l'American Computer Museum , avec le département des sciences informatiques de l'Université du Montana.
2001 il reçoit un Webby Award, prix d'excellence de l'Internet, présenté par l'Académie internationale des arts numériques et des sciences , pour l'ensemble de ses réalisations. Toujours en 2001 , il est intronisé au temple de la renommée des anciens de l'Institut polytechnique Rensselaer.
2002 Discover Magazine lui décerne son prix de l'innovation.
2004 il reçoit le IEEE Internet Award, de l'Institute of Electrical and Electronics Engineers, en même temps que David H Crocker, pour le courrier électronique en réseau.
2009 Prix des Asturies en sciences et technologies.
2012 il est entré au " temple de la renommée d'Internet ", dans la catégorie des innovateurs.
Histoire de l'e-mail
1972 En juillet, Larry Roberts, un des directeurs de la DARPA (organisme gouvernemental de tutelle d’Arpanet), écrit RD, un successeur à READMAIL, capable de classer les messages par objet ou par date et de les lire dans l’ordre de leur choix. De nombreux programmes suivront, écrits par d’autres ingénieurs : NRD, WRD (premier logiciel à combiner les fonctions d’envoi et de lecture des messages), BANANARD, HG, MAILSYS, ou XMAIL. Rapidement, les chercheurs adoptent le courrier électronique pour communiquer entre eux. En 1973, une étude révéle que le courrier électronique représente 75 % du trafic sur Arpanet.
1975 John Vittal conçoit MSG, le premier logiciel de messagerie à inclure une interface personnalisable, des fonctions d’envoi, de réponse, de renvoi et de classement des messages. MSG est considéré comme le premier logiciel de messagerie moderne. Parallèlement, la première liste de diffusion Arpanet, MsgGroup, est créée par Steve Walker. Bientôt, une liste consacrée à la science fiction, SF-Lovers, devient la liste non-officielle la plus populaire.
1976 La reine d’Angleterre, Elizabeth II, envoie un courrier électronique depuis les laboratoires du Royal Signals and Radar Establishment (RSRE) de Malvern.
1977 Fin novembre, le « RFC 733 Mail specification » normalise enfin les protocoles de courrier.
1978 Gary Thuerk, commercial de la société informatique DEC, envoie le premier spam.
1982 Scott Fahlman, chercheur américain, donne naissance au smiley.
1985 Le .com apparaît et devient le premier nom de domaine enregistré. D’autres suivent : cmu.edu, purdue.edu, rice.edu, ucla.edu, css.gov, mitre.org, .uk, etc.
1987 Un premier message est envoyé de Chine le 20 septembre.
1988 Steve Dorner développe la première version d’Eudora, à l’université de l’Illinois. Ce programme est le premier logiciel de messagerie grand public.
1989 MCI et CompuServe sont les premiers réseaux commerciaux à offrir une passerelle de courrier électronique vers Internet.
1989 Un animateur de radio, Elwood Edwards, enregistre pour AOL le fameux « You’ve got Mail !« .
1991 La National Science Foundation lève les restrictions sur l’utilisation commerciale d’Internet. Le logiciel de protection des données PGP (Pretty Good Privacy) de Philip Zimmerman voit le jour. En Suisse, au CERN, Tim Berners-Lee conçoit le World Wide Web.
1992 Le premier e-mail WYSIWYG (autrement dit formaté) voit le jour chez CompuServe : polices de caractère, couleurs et émoticônes font pour la première fois leur apparition. La même année, chez Microsoft, apparaît un logiciel : Outlook pour MS-DOS.
1993 AOL établit des passerelles entre son système d’e-mail propriétaire et celui de l’Internet. L’e-mail Internet devient de facto standard.
1994 Jim Clark et Marc Andreessen créent MCC qui va rapidement devenir Netscape. En décembre, Nescape Navigator, diffusé gratuitement, inclut un module de courrier électronique : Netscape Mail.
1996 Le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine, Jack Smith et Sabeer Bhatia lancent, avec 300 000 $ d’investissement, un service de courrier électronique gratuit sur le Web baptisé Hotmail. En quelques mois, le cap des 100 000 utilisateurs sera dépassé. Voir l’histoire de Hotmail
1997 Microsoft livre Outlook Express. Le logiciel de messagerie, qui deviendra rapidement leader dans sa catégorie, est associé à Internet Explorer 4. De son, côté, Yahoo! acquiert Four11, qui édite un webmail gratuit (RocketMail) et un annuaire d’adresses e-mail. En France, 3 pionniers créent Caramail (lire l’histoire de Caramail).
1998 Microsoft rachète Hotmail le 31 décembre 1997. La transaction est évaluée à 400 millions de dollars. Il y a alors 9 millions d’abonnés. Fin 1998, Hotmail atteindra 30 millions d’abonnés. Lire l’histoire de Hotmail
2001 Premier courrier électronique officiel du Pape Jean-Paul II, pour demander pardon aux victimes d’abus sexuels commis par des membres du clergé.
2004 Google annonce le lancement de sa messagerie gratuite Gmail, d’une capacité de 1 Go. Les concurrents embraieront rapidement. Gmail est le premier grand webmail à mettre en oeuvre les technologies AJAX, qui permettent de doter l’interface de fonctions se rapprochant de celles d’un logiciel de messagerie. Lire l’histoire de Gmail
2004 Un mois après le lancement du navigateur Firefox, la fondation Mozilla lance la première version du logiciel de courrier électronique Thunderbird, qui vise à contrer la domination d’Outlook Express. Voir l’histoire de Thunderbird
2007 Yahoo! est le premier grand acteur à annoncer une capacité de stockage illimitée pour son service Yahoo Mail.
2013 Microsoft rebaptise sa messagerie Outlook.com et abandonne définitivement la marque Hotmail.
L'histoire de l'@
A l’occasion, Ray se doit de définir l’adresse électronique. Il décide de séparer l’adresse en 2 parties. D’un côté, le nom de l’utilisateur et, de l’autre, le nom de l’ordinateur sur lequel se trouve la boîte de réception. I thought about other symbols, but @ didn’t appear in any names, so it worked. Ray Tomlinson, à Forbes
Par quoi séparer ces 2 parties ? Le choix de Ray se porte sur l’arobase, @. Pourquoi ce signe plutôt qu’un autre ? D’abord, ce signe se trouve sur le clavier d’ordinateur de Ray Tomlinson. L’@ ne fait ensuite pas partie des noms communs ou propres (donc pas de risque de confusion) et a l’avantage en anglais de se prononcer « at », c’est-à-dire « chez » ou « à » en français. La première adresse électronique de l’histoire est ainsi tomlinson@bbn-tenexa (BBN pour le nom de l’employeur de Tomlinson et tenexa pour indiquer le système d’exploitation utilisé, Tenex).
Le signe @ avec sa signification moderne remonte à l'écriture marchande de la Renaissance : outre ses valeurs comme abréviation, il sert couramment à écrire la préposition a (« à »), dès avant 1500 en Espagne puis en Italie et enfin dans d'autres pays d'Europe. Cet usage international, relayé au XVIIIe siècle par la préposition « à », influe enfin sur l'émergence du signe @ en anglais comme abréviation de la préposition équivalente at, pour indiquer le prix unitaire des marchandises (6 eggs @ $1, six œufs à un dollar, où @ est lu at). Il est adopté avec le même sens sur les machines à écrire américaines à partir de 1883 puis transposé sur les claviers d'ordinateur.
Une hypothèse très répandue, attribuée à tort au savant B. L. Ullman, voudrait qu'il s'agisse d'une ligature créée par les moines copistes au début du Moyen Âge (dès le VIe siècle) pour représenter le mot latin ad (« près de », « à »), la boucle étant issue d'une déformation de la lettre d en écriture onciale. Une théorie apparentée à la précédente affirme l'existence d'une forme particulière du mot ad dans les lettres diplomatiques de l'époque moderne, mais elle n'est pas mieux attestée. Mais que faisait donc l’arobase, caractère tombé en désuétude, sur le clavier de l’ordinateur de Tomlinson ? L’arobase a tout simplement connu son heure de gloire au XIXe siècle aux Etats-Unis, où les commerçants l’utilisaient pour indiquer un prix unitaire. « 2 books @ $10 » se lisant par exemple « 2 livres à 10 dollars pièce ». Les machines à écrire, commercialisées à partir de 1873, eurent tôt fait de proposer ce caractère sur leur clavier pour satisfaire commerciaux et comptables. Et comme, par facilité, les concepteurs des premiers systèmes informatiques reprirent les claviers des machines à écrire, l’arobase survécut.
En avril 2012, Ray Tomlinson est entré dans l'Internet Hall of Fame pour son accomplissement. Selon sa biographie officielle, le programme SNDMSG a amené une révolution dans l'envoi des messages en ligne. SNDMSG a été distribué pendant plusieurs années aux centres connectés à ARPANET, ce qui a contribué à la diffusion de l'arobase comme symbole universel. Au-delà de l'arobase, sa contribution a été cruciale pour les protocoles du courriel. Il a contribué à améliorer le FTP pour supporter l'envoi de messages, avant d'être remplacé par SMTP en 1982. Il a également été co-auteur de la RFC 561, publiée en 1973, soit le premier standard pour les champs que doit contenir un email (expéditeur, destinataire, objet...). Un format dont certains champs sont toujours en usage plus de quarante ans plus tard. À l'annonce de sa mort, les hommages se sont multipliés. Parmi eux, on peut compter ceux de Vinton Cerf, l'un des fondateurs du Net, et de l'équipe Gmail qui le remercie pour son œuvre.
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