L’immeuble bleu, construit en 1933, propriété de la famille Antonopoulos à l’époque, se trouve au centre-ville d’Athènes, à l’intersection des rues Arahovis et Themistokleous, surplombant la place d’Exarchia. Fruit de collaboration de l’architecte Koulis Panayiotakos (1903-1982) avec son maitre Dimitris Pikionis (1887-1968) et le peintre Spyros Papaloukas (1892-1957) ayant choisi la couleur originale bleu cobalt pour l'extérieur du bâtiment, grâce auquel il a reçu le nom de "immeuble bleu". Il a été un des plus impressionnants et modernes bâtiments d’habitation construits en Grèce avant 1940 dans une mentalité architecturale moderniste et est sans doute l'un des exemples les plus représentatifs du modernisme de l'entre-deux-guerres à Athènes.




Kyriakoulis (Koulis) Panayotakos, est né en 1902 à Athènes. Il a ses premiers rapports avec l’architecture grâce à son oncle qui était géomètre à l’École des Arts. Alors que l’éducation des professeurs de l’université de ces matières synthétiques s’orientaient vers l’École de Beaux-Arts, le modernisme s’était déjà introduit. Panayotakos après sa graduation de l’École Polytechnique, en 1923, il travaille comme professionnel libre. En 1931, il travaille sur la mise en forme de l’Église Sacré de la Sainte-Vierge de Tinos qui gagne le prix dans un concours d’architecture. En 1930, il est assigné au Service Architectural du Ministère d’Éducation, et il participe à la construction d’écoles. En 1936, l’architecte est nominé au Service Architectural de la Commune Athénienne. L’architecture le concerne toujours, jusqu’à la fin de sa vie. Il est toujours informé pour les courants contemporains, quoique le mouvement moderne reste toujours insurmontable pour lui.

Koulis Panayotakos




Spyros Papaloukas, est né en 1892, dans un village à Parnassos. À dix-sept ans il quitte son village pour s’installer au Pirée. Deux ans après, en 1909, il commence ses études à l’École des Beaux-Arts. Il suit ses études à Paris, l’Académie Julian et la Grande Chaumière. Il retourne en 1922, pour s’engager à la guerre gréco-turque, comme guerrier-peintre. Malheureusement tout son œuvre se détruire au train qui le transportait à Smyrne. De retour, il réside à Égine où il fait connaissance à Panayotakos. De Égine, avec Stratis Doukas, le peintre se trouve à Mont Athos pour étudier et travailler. Il retourne à Athènes où il travaille sur la scénographie. Dans la période 1927-1932, il gagne le prix à un concours panhéllenique d’hagiographie. Pour les années qui suivent, jusqu’à la guerre, Papaloukas avec Sratis Doukas, Dimitris Pikionis, Sokratis Karadinos et Nikolis Hatzikiriakos, ils publient le magazine «Το 3ο μάτι». Avant sa mort, en 1956 il est élu professeur dans l’École des Beaux-Arts.




L’immeuble a été construit à la période de l’Entre-deux-guerres, dans les années ’30, dans une ville qui a subi une multiplicité d’influences artistiques provenant de l’antiquité grecque, de la période de domination ottomane, du néo-classicisme romantique et de l’urbanisme moderne. Pendant le XIXème siècle, en Europe, se développe le courant de l’historicisme qui adopte des styles architecturaux du passé. Dans ce domaine, pour la Grèce, se développe le néoclassicisme architectural et l’éclectisme. Dans les premières décennies du XXème siècle et jusqu’à la guerre gréco-turque (1919-1922), l’architecture grecque est sous une période transitionnelle, en suivant les chemins de l’Europe en architecture, l’éclectisme français et dans une échelle plus limitée l’Art nouveau. Pendant la période d’entre-deux-guerres, plusieurs architectes grecs vont faire leurs études en Europe, ce qui leur permettra de connaitre mieux les courants plus nouveaux et révolutionnaires de leur époque, l’Art Nouveau, l’Art Déco, le mouvement moderne, etc. Une des personnalités qui ont poursuivi ce courant a été, le professeur de l’École Polytechnique d’Athènes, Dimitris Pikionis, conseiller du projet architectural de l’immeuble bleu.




Le mouvement moderne commence à se développer dans la ville d’Athènes qui, jusqu’aux années ’30, était dominée soit par de petites maisons plutôt pauvres avec leur cour, soit par des maisons néoclassiques à deux étages pour les familles riches. L’idée d’une plus large cohabitation était pratiquement inconnue. Or, à la fin de la guerre gréco-turque, la Grèce est marquée par la catastrophe de Smyrne. Les immigrés de Smyrne viennent s’abriter vers Athènes. Plusieurs «poly-katoikies», bâtiments qui peuvent accueillir plusieurs personnes et familles, sont construits en hauteur mais aussi à plat. L’immeuble bleu n’est pas le premier à être construit mais il était surement le plus impressionnant.
Ce n’est pas un hasard qu’il a été bâti dans le quartier du centre-ville d’Athènes, Exarcheia. Ce quartier est un quartier bourgeois, à proximité des grandes universités de l’État, comme l’École Polytechnique d’Athènes et l’Université nationale et Capodistrienne, et est un endroit où se rencontraient et se mêlaient les intellectuels, les philosophes et les politiques grecs. Il est très vite devenu un véritable berceau des mouvements avant-garde et révolutionnaires. Par ailleurs, des personnalités grecques très importantes ont habité l’immeuble bleu comme, Renos Apostolidis (écrivain), Leonidas Kirkos (homme politique), Sofia Vempo (actrice), un descendant de Dionisios Solomos (poète et écrivain), Dimitris Horn (acteur), Alexis Minotis (acteur et directeur de théâtre), Katina Paxinou (actrice) et plusieurs autres…




« C’est très beau » dit Le Corbusier, le fameux architecte et urbaniste suisse, un des principaux représentants du mouvement moderne, en félicitant Panagiotakos pour sa création. Il s’agit, en réalité, de deux immeubles avec des entrées individuelles, qui communiquent avec un grand espace de dégagement intérieur servant à l’éclairage, sorte de lucarnes communes. Au rez-de-chaussée, prend place le café Floral. Ce café existe encore et est le lieu de rencontre pour les personnes d’âges différents. Cet immeuble n’a pas seulement gagné l’attention du public grâce à sa couleur et forme inhabituelles pour cette époque, mais aussi pour les moyens qu’il contenait. Ce bâtiment comprend trente-sept appartements ayant seize types d’appartement différents, une salle d’évènements où les résidents des appartements peuvent communiquer, une salle de lave-linge commune, tandis que des projets pour une piscine sur la terrasse étaient faits mais qui ne se sont pas réalisés. Tout cela pour cette époque était incroyable. Tous les détails des appartements intérieurs mais aussi extérieurs ont été programmés par l’architecte, tous les détails de construction mais aussi les meubles équipés. Des rouleaux en bois, serrures, avec les équipements d’hygiène et électromécaniques ont été commandés d’Allemagne et d’Italie.
Le peintre au début hésitait entre trois couleurs, le jaune, le terracotta et le bleu, dont finalement il a choisi ses deux dernières options : au volume principal, le bleu et pour l’intérieur le terracotta. Au fil des années le bâtiment était repeint avec un bleu plus clair à cause de la chaleur insupportable que provoquait le bleu si foncé. Des exemples du bleu initial de Papaloukas, qui est si diffèrent du bleu clair presque blanc que l’immeuble a maintenant, a trouvé le jeune Nikos Miras, habitant de l’immeuble, en examinant avec attention les murs dégradés de l’immeuble.